SPORT ET JEUX VIDEO Article rédigé par Blondex

Même s’il n’est pas le pionnier, Pong est un symbole du lien entre sport et jeu vidéo La relation entre sport et jeu vidéo ne se discute pas ; elle relève de l’évidence tant le sport n’est lui même rien de plus qu’un jeu ! Se renvoyer la balle, compter les points… Pong le permet déjà en 1972, c’est la base sur laquelle s’appuiera toute la production vidéoludique de jeux de sport.
Certains aiment pour autant à rappeler que non, le sport, c’est plus qu’un jeu, c’est du sérieux, et quand il y a de l’argent au milieu, bien d’autres paramètres entrent en compte… à commencer par la course au réalisme qui constitue le moteur principal de l’évolution du jeu vidéo de sport.


> Le sport, aux origines du jeu vidéo

Une reproduction fidèle de Tennis for Two, avec son écran d’oscilloscope et ses boîtiers de contrôle Avec l’invention de l’informatique, se pose la question chez certains ingénieurs – en dehors de tous les programmes bien sérieux sur lesquels ils doivent travailler – de concevoir des jeux, avec des diodes qui s’allument, ou un affichage rudimentaire, comme un écran d’oscilloscope. Un des tous premiers jeux vidéo est ainsi un jeu de sport, Tennis for Two : la machine, conçue en 1958 pour apporter une animation ludique lors de journées portes ouvertes d’un laboratoire aux États-Unis, rencontra son petit succès local tant le jeu s’avéra réellement amusant. Mais c’est bien la première console de jeux commercialisée en 1972, la Magnavox Odyssey, qui popularise le jeu vidéo, proposant notamment en jeu principal Table Tennis, qui inspira ensuite Atari pour son fameux Pong.

Les graphismes rudimentaires sont d’abord en noir et blanc ; les règles réduites aux plus élémentaires ; et l’intelligence artificielle relève de la science-fiction. Sur Odyssey, il fallait user d’artifices, comme poser un calque sur l’écran du téléviseur, pour donner l’illusion de jouer à un autre jeu, comme le hockey, le ski ou le volley-ball.
Les premiers jeux arcade Taito de 1973 sont eux aussi des dérivés de Pong, mais innovent en remplaçant les raquettes par des joueurs, et en simulant une zone délimitée pour marquer des points. Compte tenu des moyens limités de l’époque, les ajouts comme des buts ou des paniers représentaient des avancées considérables. Par quelques astuces, les développeurs arrivaient ainsi à proposer plusieurs sports différents, bien reconnaissables.

Malgré un gameplay encore proche de Pong, Basketball de Taito marque une évolution graphique en 1974 Dans Atari Football (1978), les joueurs de foot US représentés par des points et des croix se déplacent sur le terrain

Le jeu vidéo de sport devient ainsi un indicateur des progrès accomplis par les différentes générations de machines, et à la fin des années 70, apparaissent sur les jeux d’arcade, les Atari 2600, Intellivision ou encore Videopac / Odyssey² de la couleur, des terrains bien reconnaissables et des formes approximativement humaines se déplacer ; un choc réel alors que les clones de Pong – avec des joueurs représentés par des carrés ou des raquettes – s’étaient multipliés au milieu des années 70.

Golf sur Videopac était déjà un jeu plus exigeant que les graphismes le laissent paraître Qui de Wizzy ou BillHimself bouclera le plus de tours dans Indy 500 sur Atari 2600 ?


> Le progrès technique à l’ère de la 2D

Les nouveaux graphismes proposés à chaque nouvelle génération s’accompagnent aussi de possibilités sans cesse croissantes, et le passage de l’Atari 2600 à la NES ou au Commodore 64 se voit, tout autant qu’il s’apprécie manette ou joystick en main, avec des jeux plus rapides et plus fluides. En arcade, la différence est plus considérable encore !

Le gameplay de Track & Field (NES - 1985) revient à briser la manette… si on ne se brise pas les mains avant ! Les jeux de sport des années 80 commencent aussi à incorporer de nombreuses règles plus complexes, même si ce sont les sports individuels, le tennis en tête, qui prennent techniquement de l’avance sur les sports collectifs. Constatant aussi que des règles simples peuvent rapidement être transposées en jeux de sport, les simulations d’athlétisme voient le jour, et se paient le luxe de proposer plusieurs jeux en un : 100 mètres, 110 mètres haie, natation, saut en longueur, lancer de javelot… peuvent ainsi être proposés sans que les règles de ces sports ne soient transgressées.

En matière de sport collectif en revanche, l’évolution des jeux durant les années 80 tenait plus à l’ajout de règles "comme dans la réalité". Ainsi, la jaquette de Soccer (NES - 1985) affichait fièrement un discours du type : « On peut tirer des coups-francs, des penalties, faire des touches, et même être sifflé pour hors-jeu !! ». Pour les fautes et les cartons, c’est déjà une autre histoire, alors je ne vous parle pas de formations tactiques.
Le même phénomène a été constaté dans les jeux de courses automobiles, qui ont incorporé des nombres de tours, une ligne d’arrivée, un classement, des réglages, des qualifications et des passages au stand. Cette exigence de règles et de sérieux est cependant essentielle pour des sports comme la F1 ou le rallye, puisque le genre des courses automobiles a pris des orientations très diverses et pas forcément sportives.

En cherchant à coller à une réalité violente du hockey sur glace, Blades of Steel (1987) encourage les bagarres Power Spikes sur Neo Geo (1991) affiche une vue originale 2D pour du volley, afin de privilégier les combinaisons et le dynamisme Derrière le titre amusant de Vroom (Atari ST - 1991) se cache un jeu de course sérieux salué pour la qualité du pilotage

Il en est de même pour les sports de combat, pas si confidentiels dans les années 80, mais qui vont grandement souffrir par la suite de l’essor des jeux de baston avec Street Fighter II. La boxe est parvenue tout de même à se démarquer avec des jeux plus sérieux.

Les sports collectifs – encore eux – posent aussi une difficulté technique plus grande encore en gérant une équipe entière ! Il vous revient donc de mener seul les attaques et construire votre défense, mais pendant que vous dirigez un joueur, que font les autres ? Contrôlés par l’ordinateur, ils se replacent comme ils peuvent, et tout le défi est qu’ils soient là où vous en avez besoin, en respectant qui plus est les règles du jeu.

Pour un jeu sorti en 1990, Final Match Tennis (PC Engine) impressionne toujours par la précision et la justesse de son gameplay En 1995, ISS Deluxe a pu accumuler tous les progrès techniques acquis, et montrer la voie en matière de stratégie Les amateurs de sports moins populaires, comme le rugby, doivent se contenter du peu qu’on leur propose, à l’image du moyen World Class Rugby sur SNES

Toute cette progression aboutit à ce qu’au début des années 90, les simulations de sports (de manière générale) peuvent gérer l’ensemble des règles. S’il faut reconnaître que les jeux de golf et de tennis proposent déjà des simulations abouties, à l’image de l’exigeant Final Match Tennis sur PC-Engine, les jeux de sports collectifs offrent en revanche bien moins de possibilités techniques (gestes des sportifs) et/ou tactiques (formations…). Mais cette promesse de jeux axés simulation se précise, et dans cette course au réalisme, au-delà des aspects techniques, se pose un autre détail plus que non négligeable.


> La bataille des licences

Le logo de la NFL s’affiche bien sur la boîte, mais pas en jeu Le parrainage d’un sportif ou une fédération de sport est une première étape pour des simulations plus réalistes, et sans surprise, c’est du côté des sports américains que l’on trouve les premiers jeux sous licence, même si leur coût devait être dérisoire. Mattel appose ainsi à compter de 1979 les logos des ligues nord-américaines (NFL, NHL, Major League Baseball, NBA, PGA pour le golf) sur ses premiers jeux de sports pour l’Intellivision.

Voilà ! Ça, c’était un vrai numéro 10 ! Et me parlez pas de ces Zidane ou autres Mbappé ! A l’image du légendaire Pelé – alors tout jeune retraité – qui parraine en 1980 Pelé’s Soccer sur Atari 2600, les sportifs sont aussi rapidement sollicités pour promouvoir des jeux de sport. Le mouvement s’est poursuivi, notamment dans les sports individuels comme le golf. Lee Trevino ou Jack Nicklaus sont ainsi connus des joueurs, simplement pour avoir parrainé des jeux signés SNK. Pêle-mêle, on peut également citer Jimmy Connors, Andre Agassi ou encore Pete Sampras pour le tennis ; Michael Jordan et Larry Bird pour le basket ; Mike Tyson, Evander Holyfield ou George Foreman pour la boxe…
La France a même droit à ses stars locales, comme Michel Platini, le joueur emblématique de l’AS Nancy-Lorraine (entre autres) qui parraine Numéro 10, un jeu de foot sorti en 1985 pour les supports TO7 et MO5. Mais si les jeux de tennis estampillés Yannick Noah témoignent d’un vrai partenariat avec le sportif, le parrainage de Serge Blanco pour World Class Rugby sur SNES n’apparaît que sur la boîte de jeu. Et que dire du PSG, qui avait sponsorisé Champions World Class Soccer, un jeu de foot pour SNES et Mega Drive où on ne pouvait choisir… que des équipes internationales !

Et justement, jouer avec des équipes internationales ou des joueurs aux noms génériques, ça va finir par lasser. Pour passer un cap supplémentaire dans la course au réalisme, il faut avoir les vraies équipes, les vrais sportifs, si possible avec des statistiques fidèles. Une boîte de Pandore est ouverte !

En 1992, le déjà légendaire Ayrton Senna signa un contrat d’exclusivité avec Sega en parrainant Super Monaco GP II sur MegaDrive Le consortium gérant la licence « Formule 1 » va alors très vite être sollicité pour les jeux de F1, pour lesquels l’exigence de sérieux reste plus que jamais indispensable pour se différencier des autres genres de courses automobiles souvent fantaisistes. Formula One Grand Prix sur ordinateurs et F1 Pole Position sur SNES, sortis en 1992, intègrent ainsi déjà les pilotes et écuries réels… avec un absent notable pour le second : Ayrton Senna. Un peu plus tard, Jacques Villeneuve, tout frais champion du monde de F1 en 1997, refusa de voir son image et son nom apparaître dans le jeu F1 World Grand Prix sur N64.

Même en conservant les noms des vrais joueurs, EA n'a pas dû apprécier voir la licence NHL lui échapper pour son édition 93 Dans le domaine des sports collectifs, Electronic Arts est un pionnier quand il propose des jeux de sports US et de football avec les vraies équipes et les joueurs qui font rêver toute la planète, mais à compter de cette époque les coûts des simulations sportives explosent, uniquement pour payer les licences.
En hockey, EA doit ainsi négocier les droits avec la NHL pour utiliser les noms officiels des clubs, leur logos et les vrais maillots ; et avec la NHLPA (l’association des joueurs) pour utiliser les noms, et les images des sportifs. Si je vous parle précisément du hockey, c’est que les négociations avec la NHL et la NHLPA ont souvent été très âpres : si le premier jeu de hockey d’EA en 1992 se nomme ainsi NHL Hockey, sa suite sortie l’année suivante ne dispose que de la licence NHLPA et se nomme alors NHLPA 93, sans les noms des clubs.

Inversement, dans le basket, certains joueurs ont pu refuser que leur image apparaisse en jeu, là aussi pour des questions de droits ; le très arcade NBA Jam, bien que disposant de la licence des clubs, ne peut alors proposer des stars mondiales comme Michael Jordan ou Shaquille O’Neal.

Comme si ce n’était pas assez complexe, le football ajoute une couche supplémentaire de difficulté : disposer des licences FIFA et FIFPro permet d’exploiter l’image de la Coupe du Monde et des joueurs professionnels, mais il faut encore acquérir celles des équipes, soit auprès des nombreuses fédérations nationales, soit à défaut, directement auprès des clubs eux mêmes. Durant les années 90, Konami se contenta de l’image de marque de ses jeux (International Superstar Soccer, puis Pro Evolution Soccer), avant de se résoudre au tournant des années 2000 à acquérir des licences de joueurs, de clubs puis de ligues pour répondre à la concurrence de son puissant rival EA.

Top Spin 4 marquait en 2011 un aboutissement du jeu de tennis, permettant de revivre les plus grands matchs avec la présence des meilleurs joueurs Quant au tennis, chaque sportif gère sa propre image. Les grandes licences que sont Virtua Tennis et Top Spin ont ainsi dû se contenter de quelques noms parmi les meilleurs mondiaux. Le cas de Top Spin 3 (2008) est même intéressant, puisque Sony négocia l’exclusivité de Rafael Nadal : de fait, seule la version PS3 rendait alors possible les confrontations Nadal / Federer.
Et puisqu’on parle de tennis, ce fut aussi pendant un long moment le seul sport majeur à proposer des vraies sportives : Anna Kournikova parraine ainsi Smash Court Tennis en 1998, et dans Virtua Tennis 2 (Dreamcast) en 2001, la parité homme / femme s’impose, alors qu’il faudra attendre l’édition 2016 de FIFA pour voir des sportives et équipes professionnelles féminines intégrer la licence la plus populaire des jeux de football.

Ces batailles de licences ont pu faire perdre un certain charme aux jeux de sport : pour le foot US, EA va même jusqu’à tuer la concurrence en signant au milieu des années 2000 une exclusivité en or avec la puissante NFL ; Take Two s’investit de son côté pour le basket avec sa série NBA 2K, tandis qu’EA et Konami se partagent (inéquitablement) le football.
Pour autant, c’est aussi parfois grâce au parrainage d’une star que certaines disciplines ont vu leur notoriété vidéoludique prendre de l’importance : avant « Tony Hawk », le skateboard en jeu vidéo était confidentiel avant de connaître une période de gloire à la fin des années 90 ; pour les courses de rallye, la licence « Colin McRae » a même un moment survécu au propre décès du pilote.

Les jeux vidéo de sport peuvent-ils pour autant se passer des licences qui ont accompagné leur développement ? A cette question, on attend encore de savoir si l’abandon de la licence FIFA par EA aura des répercussions sur les ventes d’EA Sports FC 24.


> La course au réalisme, jusqu’aux détails les plus infimes

Au delà des progrès techniques, les simulations de sports vont progressivement ajouter des détails pour rendre le jeu plus immersif. Les limitations des jeux des années 80-90 n’ont ainsi pas empêché les programmeurs de simuler des encouragements du public, des détails graphiques pour rendre un sportif plus reconnaissable qu’un autre, l’affichage de l’arbitre sur le terrain alors même qu’il est techniquement superflu, des animations pour célébrer un but ou des points, ou encore des cheerleaders sur le terrain pendant les temps morts…

L’apport de la 3D au milieu des années 90 est cependant réellement déterminant dans l’évolution des jeux de sport, parce qu’elle va être accompagnée d’une fonctionnalité très importante : la caméra. Les développeurs disposent dès lors d’une liberté nouvelle dans l’accompagnement des actions de jeux.
Les jeux en 2D aussi pouvaient changer de perspectives, par exemple pour les lancers francs en basket ou les penalties au foot et au hockey, mais cela impliquait de proposer des séquences au gameplay voire à la réalisation complètement différents. La 3D permet de se focaliser sur davantage de séquences de jeux, pour davantage de précision : au foot, la caméra vient ainsi se placer derrière le tireur et permet au joueur de mieux appréhender la défense adverse pour ajuster son tir.

Voilà des minutes qu'avec la caméra 3D du replay d'ISS 64 (N64 - 1997), j’essaie encore de comprendre comment Twinsen a pu rater le cadre ! Mais la caméra devient aussi le moyen de centrer l’action sur des faits de jeu, avec des gros plans sur une altercation entre joueurs, l’intervention de l’arbitre, la célébration de buts ou de points déterminants… Les replays offrent même au joueur de devenir réalisateur TV en lui laissant un très grand contrôle de la caméra, et ainsi apprécier les plus belles actions. A l’heure des partages de vidéos en ligne et des modes photo, le joueur peut ainsi proposer les moments forts de sa partie, comme pour une vraie retransmission.

NBA 2K12 va jusqu’à proposer un rendu « rétro » pour revivre les matchs de légende ! Cet aspect « retransmission télé » va même s’accompagner de commentaires. D’abord rudimentaires ("Le gardien dégage", "Il marque 3 points", etc.), ils vont s’enrichir progressivement, aidés cette fois par l’essor du support CD, dont la capacité de stockage laisse de l’espace à l’ajout de voix. Des vrais commentateurs sportifs vont ainsi prendre le micro, et pour les plus connus (en France), impossible de ne pas citer Thierry Roland, aux commentaires pour Actua Soccer et Le Monde des Bleus (avec son compère Jean-Michel Larqué), mais aussi les nombreux commentateurs de Canal + (Thierry Gilardi, Grégoire Margotton, Pierre Menès…) pour les besoins des jeux FIFA. Pour la série Madden NFL, c’est même tout simplement John Madden lui même qui assura pour quelques éditions les commentaires !

La série Formula One (ici 99) a adopté sans modification l’habillage des retransmissions TV Parmi les autres détails faussement anodins, on voit aussi apparaître les sponsors du jeu, placardés aux bords des terrains, et certaines licences offrent même le droit d’utiliser les habillages des vraies retransmissions TV, comme les jeux de F1. Dans la version française de FIFA 2005, les résultats des matchs sont annoncés dans un journal L’Équipe, ce qui a été bien perçu. Les exemples sont innombrables, mais le constat est finalement assez ahurissant : il y a de la publicité en jeu, mais les joueurs l’acceptent parfaitement parce que ça fait « encore plus vrai » !
Et que penser de la reproduction modélisée des stades, enceintes sportives ou circuits les plus célèbres ? Des chants de supporters ? Des sportifs toujours plus ressemblants à leurs modèles ? Des gouttes de sueur qui ruissellent le long de leurs corps d’athlètes ? Oulà, je dérape, reprenons-nous !

Au delà de la forme, les générations de supports qui se succèdent depuis les années 2000 rendent techniquement possibles des paramètres physiques plus réalistes, une motion capture plus détaillée rendant gestes et postures des sportifs plus naturels, mais aussi une intelligence artificielle plus affinée, complexifiant aussi les simulations sportives ; ce qui nécessitent des moyens importants et des équipes de développement conséquentes.

Les ratés ne sont pas facilement pardonnés, en attestent les moqueries en 2021 sur la réalisation d’eFootball, le successeur de PES En ajoutant le coût faramineux des licences, les jeux vidéo pour les sports les plus populaires deviennent à ce point si onéreux que le marché – partagé entre de très nombreux acteurs jusqu’au milieu des années 2000 – se retrouve verrouillé par quelques éditeurs solidement établis.
Ne reste pour les plus petits qu’à se rabattre sur les ligues mineures ou les sports moins populaires (handball, rugby…) aux coûts de développement et de licences bien moindres, mais accusant aussi une voire deux générations de retard.
Au fil des années, et malgré certaines situations de quasi-monopoles, les séries les plus populaires ont pu présenter des progressions notables et poser de nouveaux jalons, avant de connaître aussi des périodes de stagnation, voire de régression.

Quand un genre peine à se renouveler après avoir atteint les sommets, il reste alors un long moment sans nouvelles simulations, à l’image des jeux vidéo de tennis qui ont même étonnamment régressé au cours des années 2010.
Les jeux de boxe étaient également solidement établis avec la série Fight Night d’EA qui a traversé les années 2000 mais s’est arrêtée en 2011 sur un Fight Night Champion pourtant apprécié ; peut-être aussi un effet de vase communiquant avec l’essor du MMA, progressivement pleinement accepté comme un véritable sport, et sur lequel EA s’est reporté avec la licence UFC.
Les jeux de ski, de snowboard, de moto ou encore de skateboard ont aussi pu connaître des périodes fastes, avant que des effets de mode ne les éclipsent.

Le mythique circuit de Spa-Francorchamps – l’un des préférés des pilotes – est un incontournable des séries Gran Turismo et Forza Motorsport Enfin, malgré des éditions régulières voire annuelles, les jeux de courses automobiles sous licence F1 ou encore WRC doivent résister à la très rude concurrence des simulateurs de course que sont entre autres les séries Gran Turismo et Forza Motorsport, qui finissent par englober des compétitions diverses, y compris sportives ; les mordus peuvent même s’y lancer sur le circuit du Mans durant 24 heures bien réelles, et s’affronter lors de compétitions d’e-sport !


> Le sport, une affaire (très) sérieuse

Toutes ces questions, c’est bien gentil, mais cela ne répond pas pour certains à ce besoin plus poussé de stratégie ; car le sport est une guerre, et c’est une chose trop grave pour la confier à des sportifs !

Si on n’est pas encore tout à fait dans le jeu vidéo à proprement parlé, c’est un programme informatique, BBC Vik – The Baseball Demonstrator, qui ouvre la voie en 1961 au genre du simulateur de gestion sportive. Eh oui, quand je disais que le sport se retrouvait toujours dans les prémices du jeu vidéo, cela se vérifie aussi avec le jeu de gestion ! Pas d’écran, mais déjà des statistiques des joueurs inscrits dans la machine – de la taille d’un bureau – et la possibilité de composer ses propres équipes, pour voir le résultat de son match s’imprimer sur des feuilles.

Recherche bonnes volontés pour reprendre en main l’ASNL. Bonne formation à Football Manager 22 suffisante ; ça pourra pas être pire que les charlots à la tête du club ! Finalement, Football Manager n’a rien inventé ! Eh oui, en France et un peu partout en Europe aussi, quand on pense jeu de gestion sportive, on pense évidemment à Football Manager, une série née en 2005 et qui connaît des éditions annuelles depuis. Mais l’ancêtre du jeu vidéo de gestion sportive se trouve être un autre Football Manager (aucun lien de parenté) sorti lui en 1982 sur ordinateur Sinclair ZX 80.

Pro Cycling Manager / Tour de France (ici l’édition 2019) vous propose d’être directeur sportif, et constituer la meilleure équipe avec de vrais coureurs cyclistes On trouve des jeux de gestion pour de nombreux sports : tous les sports nord-américains évidemment, mais également tennis, rugby, courses automobiles, cyclisme… En cherchant bien, vous trouverez même des jeux de gestion pour des sports moins répandus, comme le handball, mais c’est tout de même parmi les sports les plus populaires que vous trouverez les simulations qui font autorité : Tennis Elbow Manager, Hors du Parc Baseball…

Les meilleurs jeux du genre offrent la possibilité de suivre les matchs, voire d’y jouer directement, avec des graphismes tout à fait convenables, bien qu’ils ne puissent égaler les jeux de simulation sportive. Inversement, les simulations sportives intègrent bien souvent depuis les années 2000 des modes Carrière, bien moins aboutis que les jeux de gestion forcément, mais qui participent à impliquer davantage le joueur : les transferts permettent ainsi de composer son équipe de rêve.

Alimenter des statistiques complètes, tout particulièrement pour des championnats mineurs ou des équipes de jeunes, n’est pas le fruit de l’inspiration des développeurs, mais bien d’observateurs sur le terrain (les « scouts ») allant jusqu’à écumer les petits stades ou autres courses cyclistes pour jauger des sportifs et de leurs potentiels, et alimenter une base de données précise et mise à jour. Autant de travail pour des jeux vidéo ? Pas que, car cet ensemble de données n’est pas non plus ignoré du monde sportif professionnel, qui peut y trouver un mode de sélection de premier niveau, voire (plus rarement) de l’inspiration.


> Le sport réaliste, c’est dépassé !

Lassé par la course au réalisme ? Alors nouveau retour en arrière dans les années 80 si chères aux retrogamers !

Tandis que certains jeux de sport cherchent à progresser par l’ajout de règles ou de paramètres physiques, d’autres choisissent de s’affranchir de ces contraintes. Dès son premier volet arcade de 1984, Punch-Out !! s’affiche ainsi comme un jeu de boxe humoristique faisant la part belle aux réflexes et la mémorisation des patterns des adversaires. Toujours en arcade (puis sur NES), Blades of Steel – derrière son apparence de jeu de hockey sérieux – fait en 1987 de la castagne une règle primordiale, reprise en 1990 dans Hit the Ice. Toujours en arcade, NBA Jam propose en 1993 des matchs délirants à 2 contre 2…
Vous comprenez l’idée derrière ces quelques exemples : pour des raisons de limites techniques ou par choix complètement assumés, se crée le genre « arcade », que l’on oppose aux simulations.

Le parti-pris humoristique de Punch-Out !! (NES - 1987) n’empêche pas ce jeu d’être exigeant Conçu pour être spectaculaire, NBA Jam a marqué les joueurs pour les dunks qui défient les lois de la gravité

Il n’y a évidemment pas un genre unique de jeux de sport arcade, mais quasiment chaque jeu est un genre à lui tout seul. Les stratégies peuvent être simplement (très) différentes : cogner les adversaires pour gagner sur le terrain une supériorité numérique, déclencher un coup spécial pour s’assurer de points victorieux, bétonner (littéralement) sa défense pour qu’elle soit totalement infranchissable… sont parmi les possibilités classiques de s’affranchir même des lois de la physique.

Tous les coups sont permis dans Nintendo World Cup (NES - 1990) : frappes dévastatrices et attentats sur le terrain se multiplient ! Windjammers (Neo Geo - 1994) fait du frisbee un jeu de sport délirant où s’enchaînent les coups spéciaux

Jeu de sport amusant ne signifie pas forcément fantaisiste : lorsque Nintendo emploie sa mascotte Mario dans des jeux de sport, cela s’est fait avec des jeux parfois on ne peut plus sérieux au niveau du gameplay, comme NES Open Tournament Golf sur NES et le premier Mario Tennis sur N64. La série Mario & Sonic aux Jeux Olympiques est même devenue la seule à proposer des jeux de sports multi-épreuves après l’abandon de longue date de séries comme Track & Field ou Olympic Games.

Même quand il passe par Paris, Mario Kart ne se prend jamais au sérieux ! (Mario Kart 8 Deluxe) Mais quand on pense Mario, on pense surtout à Mario Kart, et là, on est bien loin d’une pratique du karting réaliste, d’autant qu’au fil des épisodes, les courses se jouent même des lois de la gravité. Pour ainsi dire, il y a la pratique sportive du kart, et il y a Mario Kart !
D’ailleurs, puisqu’on parle de jeux de course, c’est sans doute là où la différence entre jeux arcade et simulation est la plus courante. Malgré son aspect compétition, la série Ridge Racer propose un pilotage sans prise de tête, et Burnout va même plus loin en faisant cracher le moteur !

Ma longue pratique du karaté ne m'aura jamais permis de réaliser des hadoken comme Ryu ! Quant aux jeux de combat, s’ils sont aussi peu nombreux, c’est parce que les joueurs préfèrent les bien moins réalistes jeux de baston : les séries Street Fighter et King of Fighters voient les combattants enchaîner les boules de feu et furies impressionnantes ; Mortal Kombat fait tomber les têtes et couler le sang ; Tekken permet de combattre avec un ours, un robot ou un démon… Et si Virtua Fighter paraît plus sérieux, cela n’en reste pas moins une série de jeux typés arcade où on enchaîne les combats.
En dehors de styles fantaisistes, ces séries puisent malgré tout leurs inspirations dans de nombreuses pratiques bien réelles d’arts martiaux (karaté évidemment, boxe, muay thai, kung fu, taekwondo, lutte, tai chi, capoeira, etc), présentant leurs personnages comme des sportifs accomplis participant à des tournois.

Il n’est de plus pas exclu que parmi des jeux dits « arcade » se cachent des aspects gestion non négligeables. Ready 2 Rumble Boxing (1999) demande ainsi d’entraîner son boxeur entre chaque match (et aussi le doper, mais chut!). Dans un style fictif de handball futuriste inspiré du film Rollerball, Speedball 2 – Brutal Deluxe propose même dès 1990 des aspects de gestion plus poussés que bien d’autres jeux de sport de la même époque, avec des transferts de joueurs et de l’achat d’équipements.
Sport fictif ou futuriste n’est d’ailleurs pas incompatible avec des règles bien spécifiques et exigeantes, comme le montrent Speedball 2, mais aussi Rocket League, mélangeant voitures et jeu de foot.

Dans Speedball 2, massacrer son adversaire permet de marquer des points. Si votre joueur s'appelle PXL, il est mal ! Rocket League est un des jeux les plus populaires en e-sport, son éditeur organisant même chaque année des Championship Series aux dotations toujours plus importantes


> La révolution de la reconnaissance de mouvements

Le tennis de Wii Sports, un symbole du jeu familial qui a brisé bien des meubles ! A l'écart des licences et de la course au réalisme, une révolution s’amorce en 2006. Lorsque la Wii et son emblématique Wii Sports débarquent, marquant le début d'une nouvelle ère vidéoludico-sportive : celle de la reconnaissance de mouvements, où le joueur, muni de sa wiimote, mime les gestes pour lancer une boule de bowling, alterner coups droits et revers au tennis ou encore jouer des poings à la boxe, en fournissant un effort bien réel.

Plus la peine d’imaginer ce qu’aurait pu donner Wii Fit dans les années 80 : ça existe déjà ! Petit Jumpman en saute de joie Jouer à un jeu de sports en faisant du sport ? Rien de nouveau : dès la NES, Bandai avait ainsi commercialisé son tapis Family Fun Fitness avec le jeu Athletic World. L’idée était là, mais il ne s’agissait pas de reconnaissance de mouvements. Avec la PS2, l’Eye Toy demandait aussi de bouger pour jouer, mais Wii Sports a tracé une voie bien nouvelle, tout en renouant – par des règles plus simples – avec un esprit familial plus rassembleur.

Sur Wii, Nintendo va proposer les jeux les plus populaires du genre : Wii Sports Resort bénéficie de l’apport du Wii Motion Plus pour une meilleure reconnaissance de mouvements ; et Wii Fit, accompagné du Wii Balance Board, propose un programme de remise en forme, avec des exercices de yoga et de musculation, le tout agrémenté de quelques épreuves ludiques.

Microsoft et Rare ont voulu suivre le succès de Nintendo avec Kinect Sports Dans le sillage de Nintendo, les concurrents ont suivi le mouvement avec leurs propres programmes de remise en forme : EA Active pour Electronic Arts, Your Shape pour Ubisoft, etc. Au point que Microsoft comme Sony finiront par sortir leurs propres accessoires de reconnaissances de mouvements : Sony joue la carte de la sécurité avec le PS Move, un périphérique similaire à une wiimote déjà bien acceptée par le public. Microsoft apporta quant à lui une offre réellement nouvelle avec Kinect, puisque l’accessoire – une caméra à reconnaissance de mouvements – n’a pas besoin de périphériques supplémentaires, le joueur devenant lui-même le périphérique.
Pour les lancements respectifs des PS Move et Kinect, Sony et Microsoft ont tous deux misés sur les compilations de jeux de sports : Sports Champions pour l’un, Kinect Sports pour l’autre.

Le gameplay au Wii Motion Plus de Tiger Woods PGA Tour 11 avait été bien accueilli, car jugé suffisamment précis Le principal problème de la reconnaissance de mouvements est que le phénomène a peiné pour sortir du niveau habituel des jeux typés « casual ». Les licences plus traditionnelles s’y sont essayé, et ce sont les sports qui s’y prêtaient le plus facilement qui ont davantage fonctionné : Tiger Woods PGA Tour 11 tirait ainsi grandement parti du Wii Motion Plus. Dans une moindre mesure, Grand Chelem Tennis avait apporté une alternative plus sérieuse au tennis de Wii Sports.
Mais pour les sports collectifs, la fonction ne pouvait être ramenée qu’à des fonctions gadget ou des mini-jeux.

A l’image de l’aviron, nouveau mini-jeu de Wii Fit U, la Wii U aura ramé sans succès De nombreux échecs ont toutefois fini par sérieusement ralentir (voire stopper) le développement de la reconnaissance de mouvements dans les jeux de sports, mettant même fin à une mode.
Le coup d’arrêt le plus net est venu de Nintendo et de l’échec commercial de la Wii U. La console au gamepad ne comptait déjà plus à son lancement sur les licences phares que sont Wii Sports et Wii Fit, et les versions Wii U sorties en 2013 (Wii Sports Club et Wii Fit U) ne se présentent que comme des mises à jour HD sans apports notables, si ce n’est un gamepad qui complexifie l’utilisation de ces jeux. Le public cible s’est tout simplement lassé.

Le crash de Kinect, sur lequel Microsoft misait pourtant beaucoup en l’incorporant d’office à la Xbox One, a également restreint l’offre. La caméra n’était pas la seule responsable du mauvais démarrage de la console, mais Kinect est devenu malgré tout un symbole et est finalement rendu optionnel avant d’être progressivement abandonné. Si ce n’est Kinect Sports Rivals, la Xbox One n’accueillera ensuite quasiment que des jeux de sport traditionnels.
Quant à Sony, le soutien au PS Move n’a jamais été vraiment pris au sérieux, et son abandon coïncide avec les échecs de la Wii U et de Kinect.

Durant l'action de Ring Fit Adventure, un compteur affiche le nombre de calories brûlées. Je n'ose imaginer l'effet d'un Elden Ring Fit sur Iglou ! Et alors que l’on croyait la mode définitivement passée, Nintendo y est finalement revenu, avec tout d’abord Ring Fit Adventure en 2019 sur Switch. Laissant de côté l’aspect sérieux de Wii Fit mais revendiquant le label « Quality of life » de Nintendo, le jeu se présente d’abord comme une sorte de RPG dans lequel le joueur, muni d’un accessoire en forme de cerceau et des joycons, doit fournir un effort sportif bien réel pour avancer.
Le succès de Ring Fit Adventure a donc ramené Nintendo sur le terrain des jeux de sports à reconnaissance de mouvements, et à sortir en 2022 un successeur à Wii Sports (Nintendo Switch Sports).


> Jeu vidéo et sport, une relation constamment amenée à évoluer

J’ai certainement oublié de nombreuses disciplines sportives, mais le but n’était pas non plus d’être exhaustif, tant la production de jeux vidéo de sport est particulièrement riche.

A travers ce voyage dans le temps, on mesure à quel point le sport fut, est, et sera toujours une source d’inspiration pour le jeu vidéo, tant pour l’innovation que pour l’amusement. Le sport se prêtera-t-il aux évolutions que sont la réalité virtuelle ou la réalité augmentée ? La réponse est déjà là, avec des jeux de boxe ou d'escalade en VR ; le gameplay de Beat Saber, un jeu de rythme, peut également être couplé aux mouvements du joueur pour une activité physique intense. Les jeux en RA sont aussi proposés dans des salles dédiées, notamment Hado, une sorte de balle au prisonnier. Et je ne parle même pas de « metaverse » !

La reconnaissance de mouvements démontre toutefois que certaines évolutions peuvent relever de modes, tandis que les simulations continueront à se perfectionner, entre course au réalisme et amusement.

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